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Quels sont les effets psychologiques de la pandémie de la COVID-19?

Texte mis à jour le 2020-11-24


La peur de la maladie et l’incertitude face à l’évolution de l’épidémie sont des facteurs de stress. De plus, l’isolement social et la nouvelle organisation du travail sont des sources d‘anxiété pour les êtres hautement sociaux que nous sommes : les échanges sociaux et contacts sont essentiels pour notre bien-être ! En cette période d’épidémie, nous pouvons continuer d’interagir de manière sécurisée : favorisons les accolades avec les personnes de notre foyer mais restons à distance et protégé avec les personnes extérieures.

La situation liée à la COVID-19 est une source de stress pour plusieurs raisons : les effets de la maladie, les effets du confinement et de l’isolement social, la gestion de la crise sanitaire. 

L’épidémie de COVID-19 touche une grande partie des pays du globe et les cas sévères de la maladie sont responsables de plus d’un million de morts. Être malade, la peur de tomber malade ou d’avoir des proches malades est une source d’anxiété pour de nombreux individus. 

A cela s’ajoutent les conséquences de la lutte contre l’épidémie, avec des périodes de confinement et de couvre-feu, qui sont pour certains des moments difficiles à vivre. Perdre un emploi et avoir des difficultés financières, ne plus pouvoir faire du sport et s’aérer à sa guise, ne plus faire de sorties culturelles, passer de longues journées dans un petit logement, aller et venir au sein d’un périmètre restreint ou même la crainte que ces événements se produisent, tous ces facteurs ont un impact sur notre bien-être. Pendant ces périodes, les interactions sociales, les échanges avec nos proches, notre famille, nos amis, nos collègues sont grandement restreints, tout comme les contacts physiques. Le manque de relations sociales ainsi que ne plus pouvoir tenir dans nos bras nos proches peuvent engendrer un réel mal-être et affecter la santé mentale. 

De plus, faire face à l’incertitude sur l’évolution de la pandémie et sa durée, au manque d’informations, ou au contraire à l’afflux d’informations contradictoires et imprécises a pu susciter un manque de confiance des citoyens dans les instances gouvernementales et sanitaires. Ce sentiment de défiance a impacté l’adhésion des individus dans des protocoles sanitaires insuffisamment expliqués au grand public. Les consignes de confinement liées à la deuxième, troisième vague de l’épidémie sont moins suivies que lors du premier confinement. Cette remise en question dans la capacité des autorités à gérer la crise sanitaire génère un sentiment d’angoisse quant à l’avenir. 

Les effets de l’épidémie de COVID-19 sur la santé mentale des individus sont importants et entraînent une augmentation des troubles dépressifs, des troubles anxieux, des syndromes de stress post-traumatique et une baisse de la qualité de vie. Pour des raisons différentes, ces troubles touchent prioritairement les femmes, les jeunes, et les individus en situation précaire. 

La pandémie a des conséquences sur la vie des femmes notamment. Au niveau familial, on a observé que même si les hommes et les femmes sont confinés ensemble et donc présents au domicile, cela n’a pas permis de diminuer les inégalités présentes dans la sphère domestique. Les femmes s’occupent plus souvent des tâches ménagères (repas, courses, ménage) et éducatives (école à la maison, devoirs, lien avec les enseignants) que les hommes, ce qui augmente leur charge mentale et les rend plus vulnérables au stress.

Les jeunes sont aussi particulièrement touchés par les conséquences de l’épidémie et du confinement. Dans cette tranche d’âge, la vie sociale qui dépend principalement des interactions avec d’autres jeunes et de rencontres dans des lieux qui sont fermés au public en temps de pandémie (universités, bibliothèques, bars, festivals…), se réduit aux réseaux sociaux. De plus, de nombreux jeunes, étudiants ou non, vivent souvent dans de petits logements, ce qui rend le confinement encore plus difficile à vivre. Enfin, les conditions d’enseignement et de stages en distanciel ne permettent pas un apprentissage aussi efficace que l’apprentissage en présentiel. Voir la question Quel est l’effet de la fermeture des écoles sur les enfants ? Toutes ces conditions affectent les perspectives d’avenir des jeunes et leur santé mentale.

De manière générale, les crises, qu’elles soient économiques ou pandémiques, augmentent les inégalités socio-économiques. Dans le cadre de la COVID-19, on observe aussi un effet plus fort de la crise sanitaire sur les personnes qui étaient dans des conditions précaires avant la crise.


La pandémie et ses conséquences ont pu susciter un grand nombre d’émotions et de sentiments, comme la sidération, la peur, l’angoisse, la colère, la frustration, la résignation mais aussi l’acceptation, l’optimisme. Il est bien normal de ressentir une ou plusieurs de ces émotions en cette période ! L’anxiété peut entraîner des problèmes de sommeil et accroître des problèmes d’addiction à l’alcool ou au tabac, préexistants à l’épidémie de COVID-19. Il est important d’être attentif à ce que l’on ressent. En cas de mal-être persistant, il ne faut pas hésiter à consulter des spécialistes (psychologues, psychiatres) afin que les troubles soient pris en charge le plus rapidement possible et ne s’installent pas durablement.


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Sources

Une enquête réalisée en France sur les deux premières semaines de confinement en mars 2020 sur 1005 personnes

Présence de troubles du sommeil chez trois adultes sur quatre et des signes de détresse psychologique chez plus d’un français sur trois.

Cette enquête réalisée principalement dans les 27 pays de l’Union Européenne inclut 75 570 individus et teste les effets psychologiques du COVID-19 et du confinement de mars 2020 sur la population. Le niveau de stress rapporté par la population reste modéré. Les facteurs les plus importants du stress sont : l'économie nationale, le risque d'être hospitalisé ou de mourir, le risque d'être atteint par le COVID-19 et ne pas savoir combien de temps le confinement va durer.

Travaglino, G .A., Lieberoth, A., Tran T., Cepulic D., Kowa,M. ,Coll-Martín, T., Reyna, C., Vestergren, S.& The COVID-Stress International Collaboration (2020), How is COVID 19 affecting Europeans’ Lives? Report of the COVID-STRESS global survey.

Une enquête réalisée en Italie chez 18 147 personnes montre qu’après 3 à 4 semaines de confinement plus de 80% des individus présentent des symptômes de stress, de stress-post traumatique et d’insomnie, les femmes et les jeunes étant plus touchés.

Rossi, R, Socci, V, Talevi, D, Mensi, S, Niolu, C, Pacitti, F, Marco, A, Rossi, A, Siracusano, A, Di Lorenzo, G. (2020). COVID-19 pandemic and lockdown measures impact on mental health among the general population in Italy. An N=18147 web-based survey.

Enquête réalisée en Italie auprès de 1321 personnes en mars-avril 2020 qui s'intéresse aux effets psychologiques du confinement et montre que les périodes de confinement peuvent être vécues comme un traumatisme : 20% des personnes présentent des symptômes de stress post-traumatique, 69% des troubles anxieux et 31% des troubles dépressifs. Les plus touchées par ces troubles sont les femmes, les individus avec un bas niveau socio-culturel, les individus qui ont été en contact avec des patients atteints de la COVID-19, les individus en situation précaire, et les personnes vulnérables face à la COVID-19.

Castelli, L., Di Tella, M., Benfante, A., & Romeo, A. (2020). The spread of COVID-19 in the Italian population: anxiety, depression, and post-traumatic stress symptoms. Can J Psychiatry, 65(10), 731-2.

Une étude en Malaisie auprès de 1054 étudiants à l’université a montré une augmentation du niveau d’anxiété pendant le confinement. Les facteurs contribuant à l’augmentation du stress étant les contraintes financières, les cours à distance et l’incertitude sur le futur.

Sundarasen, S., Chinna, K., Kamaludin, K., Nurunnabi, M., Baloch, G. M., Khoshaim, H. B., ... & Sukayt, A. (2020). Psychological impact of covid-19 and lockdown among university students in malaysia: Implications and policy recommendations. International Journal of Environmental Research and Public Health, 17(17), 6206.

Enquête réalisée en France en mars-mai 2020 pendant le premier confinement, auprès de 2344 participants dont 59% d’étudiants. L’étude montre que les étudiants ont plus de risques que les non-étudiants de présenter des symptômes dépressifs (32.5% vs 16.2%), des troubles anxieux (24.0% vs 14.7%), des pensées suicidaires (11.7% vs 7.6%) et du stress (33.1% vs 22.1%).

Arsandaux, J., Montagni, I., Macalli, M., Texier, N., Pouriel, M., Germain, R., ... & Tzourio, C. (2020). Higher risk of mental health deterioration during the Covid-19 lockdown among students rather than non-students. The French Confins study. medRxiv.

nquête OkCupid qui montre que la quantité de conversations et des « matches » a augmenté entre février et mars 2020.

https://theblog.okcupid.com/love-in-the-time-of-corona-massive-spikes-in-matching-messaging-and-virtual-dates-around-the-ec12c49eab86

L’isolement social et le fait de se sentir seul sont des facteurs de stress qui augmentent le risque de développer des pathologies endocriniennes, cardiovasculaires et inflammatoires, et augmentent la probabilité de mortalité.

Steptoe, A., Owen, N., Kunz-Ebrecht, S. R., & Brydon, L. (2004). Loneliness and neuroendocrine, cardiovascular, and inflammatory stress responses in middle-aged men and women. Psychoneuroendocrinology, 29(5), 593-611.

Méta-analyse qui montre que le sentiment de solitude qu’il soit objectif (dû à un isolement social réel) ou subjectif (dû au fait que l’on se sent seul même si des gens nous entourent) augmente le risque de mortalité. L’isolement social augmente le risque de mortalité de 29%, et le fait de se sentir seul de 26% et le fait de vivre seul de 32%.

Holt-Lunstad, J., Smith, T. B., Baker, M., Harris, T., & Stephenson, D. (2015). Loneliness and social isolation as risk factors for mortality: a meta-analytic review. Perspectives on psychological science, 10(2), 227-237.

L’humain est un être ultra-social. Au cours de l’évolution, une forme unique de sociabilité est apparue chez l’humain qui explique en partie la spécificité de la cognition humaine et de la morale.

Tomasello, M. (2014). The ultra‐social animal. Eur. J. Soc. Psychol., 44: 187-194. doi:10.1002/ejsp.2015

Le toucher et les contacts physiques sont essentiels pour le bien être des humains, aussi bien pour le développement cognitif et socio-émotionnel de l’enfant que pour le bien être psychologique et physique chez l’adulte. La stimulation par le toucher de récepteurs sur la peau active des zones du cerveau impliquées dans le circuit de la récompense et du plaisir social. Le toucher, les contacts physiques renforcent les liens affectifs entre les humains et en ce sens, la peau est considérée comme un organe sensoriel mais aussi social. L’absence de stimulation de ces récepteurs peut entraîner un manque et un mal-être.

Jakubiak BK, Feeney BC. 2016. Affectionate touch to promote relational, psychological, and physical well-being in adulthood: a theoretical model and review of the research. Personal. Soc. Psychol. Rev. 21, 228–252. (10.1177/1088868316650307)

Enquête réalisée en France en novembre 2020 qui montre que 56,2% des Français restent confinés chez eux alors que pendant le premier confinement ils étaient 81% à rester confinés chez eux. La prévalence des troubles dépressifs parmi la population française a doublé entre fin septembre (11%) et début novembre (21%) après la mise en place du second confinement. On observe entre la dernière semaine d'août et début novembre, une augmentation continue et significative des états anxieux (+3 points) ainsi qu’une diminution de la satisfaction de vie (-4 points).

Santé Publique France, Point épidémiologique COVID-19, 12 novembre 2020.

Etude réalisée en Italie auprès de 8177 étudiants à Milan pendant le confinement de mars 2020 qui montre que le fait d'habiter dans un logement petit, sans vue, ou mal aménagé augmente le risque de développer des symptômes dépressifs.

Amerio, A.; Brambilla, A.; Morganti, A.; Aguglia, A.; Bianchi, D.; Santi, F.; Costantini, L.; Odone, A.; Costanza, A.; Signorelli, C.; Serafini, G.; Amore, M.; Capolongo, S. COVID-19 Lockdown: Housing Built Environment’s Effects on Mental Health. Int. J. Environ. Res. Public Health 2020, 17, 5973.

Dans une enquête réalisée pendant le confinement en avril 2020 auprès de 1642 individus à Chypre, les auteurs montrent que 23,1% des individus souffrent de troubles anxieux modérés à sévères, 9,2% de troubles dépressifs modérés à sévères. Les plus touchés étant les femmes, les jeunes (18-29 ans), les étudiants, les chomeurs, les individus qui avaient des antécédents psychiatriques.

Solomou, I., & Constantinidou, F. (2020). Prevalence and predictors of anxiety and depression symptoms during the COVID-19 pandemic and compliance with precautionary measures: Age and sex matter. International journal of environmental research and public health, 17(14), 4924.

Article qui s’intéresse à la prévalence des troubles de stress-post traumatique chez des individus qui ont guéri d’une grave maladie. Le recul de suivi des patients guéris de la COVID-19 n’est pas suffisant pour étudier les effets psychologiques et psychiatriques à long terme dans cette maladie. Cependant les données recueillies dans le cadre d’autres épidémies comme le MERS (Middle East Respiratory Syndrome) par exemple, montrent que un an après 42% des personnes guéries de cette maladie souffrent de troubles de stress post-traumatique.

Kaseda, E. T., & Levine, A. J. (2020). Post-traumatic stress disorder: a differential diagnostic consideration for COVID-19 survivors. The Clinical Neuropsychologist, 1-17.

Etude réalisée auprès de 402 individus ayant guéri d’une forme sévère de la COVID-19, à un mois après leur hospitalisation. Les réponses des patients à des questionnaires de santé mentale montrent que 28% souffrent de troubles de stress-post traumatique, 31% de dépression, 42% de troubles anxieux, 20% de troubles obsessionnels compulsifs et 40% d’insomnie. De plus, cette étude s’est intéressée au lien connu entre réponse inflammatoire (production de cytokines entre-autres) et troubles dépressifs. La réponse inflammatoire est associée aux scores de dépression et d’anxiété. Etant donné le nombre élevé de personnes qui ont eu la COVID-19 et une réaction inflammatoire associée, le nombre de personnes ayant des troubles dépressifs devrait être accru dans les prochains mois.

Mazza, M. G., De Lorenzo, R., Conte, C., Poletti, S., Vai, B., Bollettini, I., ... & Benedetti, F. (2020). Anxiety and depression in COVID-19 survivors: Role of inflammatory and clinical predictors. Brain, behavior, and immunity, 89, 594-600.

La fermeture des écoles liée au confinement pèse plus sur les femmes que sur les hommes. Les femmes en télétravail s’occupent en moyenne 1h30 de plus par jour des enfants et de leur éducation que les hommes en télétravail. Le confinement a augmenté les disparités qui préexistaient au confinement.

Hupkau, C, and Petrongolo, B (2020). Work, care and gender during the Covid-19 crisis, Paper No' CEPCOVID-19-002: Preprint CEP Covid-19 Analysis.

Une enquête réalisée en France sur 1025 personnes qui montre que pendant le confinement 59% des femmes considèrent passer plus de temps que leur conjoint à réaliser des tâches ménagères ou à s’occuper des enfants alors que 25% des hommes considèrent passer plus de temps que leur conjointe à ces tâches.

Lévy, JD., Potereau, J., Prunier, A., (2020), L’impact du confinement sur les inégalités femmes/hommes. Harris Interactive en France pour le secrétariat d’état chargé de l’égalité entre les hommes et les femmes et de la lutte contre les discriminations.

Les signalements de violence intrafamiliales ont augmenté d’un tiers pendant le premier confinement en France. Ces violences sont un facteur de risque de l’apparition de pathologies mentales. En France, si vous êtes victime ou si vous avez connaissance d'une situation de maltraitance d'un enfant, vous pouvez appeler le 119. Si vous êtes victime ou si vous avez connaissance d'une situation de violence envers une femme, vous pouvez appeler le 3919.

Bilan relatif à l’activité du 119 -période de confinement du 18 mars au 10 mai 2020.

SOS Amitié, une ligne d’écoute nationale des personnes en détresse en France, a reçu en octobre 2020 1 000 appels de plus par jour qu’en janvier-février 2020, avant le confinement. L’association déplore que « La situation sans précédent de la crise sanitaire due au Covid-19 a généré de nouvelles souffrances ou angoisses et par conséquent, une augmentation significative du nombre d’appels. »

SOS Amitié recrute 500 bénévoles pour répondre à la hausse des appels de détresse liée au Covid-19. Actu.fr. 9 oct 2020. Last accessed Nov 7 2020.

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